Guinée : De 60 ans d’indépendance, à 60 ans de scepticisme…

Article : Guinée : De 60 ans d’indépendance, à 60 ans de scepticisme…
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4 octobre 2018

Guinée : De 60 ans d’indépendance, à 60 ans de scepticisme…

Ce 02 octobre 2018, la Guinée a fêté ses six décennies d’autonomie. Soixante ans dans son passé. Une histoire aussi glorieuse que tragique d’un peuple qui se sent encore victime de ses politiques. Un pays qui, avec ses 245 157 km², accueille l’océan atlantique par la porte ouest de l’Afrique. Sa population est de nos jours estimée à 12 millions d’habitants, avec une diversité ethnique et culturelle richement variée et hospitalière.

On se souvient encore de l’année 1958, qui d’ailleurs fut un véritable tournant décisif du peuple Guinéen. Une occasion pendant laquelle, on chantait et dansait dans les lieux publics et autres. Le pays accédait à cette époque, à une nouvelle page pour son autonomie après un intervalle pivoté de 60 ans de domination impérialiste.

La période coloniale fut il faut le rappeler, une œuvre néfaste et éhontée qui a conduit au peuple de réclamer sa liberté bafouée depuis plus d’un demi-siècle. De tentation en résistance, le colon a finalement pu vaincre avec son argument de christianiser les populations mais qui en réalité était de profiter des matières premières. De la Basse Côte à la Forêt, en passant par le Fouta Djallon et la Haute Guinée, des voix se sont levées pour protester la politique de domination. Et c’est sans doute, cette force collective qui a produit à une issue favorable pour accéder à l’indépendance de ces gens, longtemps plongés dans un tunnel d’esclavage.

L’entreprise coloniale a sans doute causé un dépeuplement conduisant par la suite à une fuite des bras valides. Des séquelles qui ont poussées aux populations de réclamer leurs identités amplement abusées. De conférences en diplomatie, une communauté française fut proposée par le Général de Gaule, qui consistait après avoir libéré la France de la domination Nazi de Adolphe Hitler, pendant la deuxième guerre mondiale (1939-1944), d’accorder l’indépendance à ses colonies d’Afrique. Une offre qui a été accepté par tous les pays étant sous sa domination. Suite à cette victoire, le rêve tant attendu verra sans doute le jour. Mais par manière ?

Le 28 septembre 1958 fut véritablement un regain d’espoir pour la Guinée. N’ayant pas la volonté d’un éventuel rapprochement avec la France, le « NON » au référendum gaulliste domina à la majorité absolue et le peuple choisi son destin en choisissant le 2 octobre de la même année pour chanter son ‘’tcha tcha’’. Les rues sont remplies et on bandait le « Rouge, Jaune, Vert » partout. On choisit également comme devise : « Travail, Justice, Solidarité ».

Sortant de ce gouffre infernal, le pays tente aussitôt de s’ouvrir au monde. Avec un régime nouvellement installé sous les commandes du camarade de lutte, Sékou Touré. Chaque Guinéen cherche à donner de son mieux pour faire face aux réalités socioéconomiques. Tout le monde est concerné pour contribuer au développement inconditionnel du pays de ses ancêtres. Des cerveaux rentrent au bercail depuis plusieurs années passées à l’étranger. Et ce, pour mettre leurs expériences et leurs expertises au profit du jeune Etat, déjà isolé par l’ancienne puissance coloniale.

D’année en année, les choses semblent bouger. Mais le pire itinéraire commence à se dessiner devant l’histoire. On entreprend une autre façon de gouverner le peuple. Il faut désormais parler de complot très souvent imaginaire pour gérer les choses de sa manière. Aussitôt, tous les moyens sont bons pour s’éterniser au pouvoir. Le camp Boiro, ou l’usine de la mort est ouverte. Prochainement même les murs ont des oreilles. Tout le monde attend son tour pour visiter ou revisiter les quatre murs exigus de cette partie de Conakry, ou encore à l’intérieur du pays.

Des hauts cadres sont arrêtés et emprisonnés, des diplomates, des jeunes… aucun n’est à l’abri. Toute voix non aimée par le régime en place est considérée comme anti peuple. On assiste très souvent à des procès sans jugements. C’est la loi du plus fort qui prime. Un pouvoir autoritaire est imposé, et toutes les structures sont inféodées depuis la plus haute autorité. On ne parle plus de président, mais de ‘’guide suprême’’.

Les victimes se comptent par des milliers. De grands intellectuels sont exécutés et on peut citer parmi eux, Diallo Telli (ministre de la justice et ancien secrétaire général de l’organisation de l’unité africaine), Sagno Mamadi (ministre de la défense), Camara Bakary (Président de tribunal), M’baye Cheik Oumar (Ambassadeur), Barry III, Kaman Diaby… la liste est loin d’être exhaustive.

La fuite massive des cerveaux commence car il fallait travailler dans l’intérêt du seul guide de la révolution, même dans le mensonge. A défaut, deux voies s’ouvrent : l’exile forcé ou la prison qui est beaucoup plus proche de la disparition. Les victimes de 25 janvier 1979, en ont une preuve d’illustration de la règle sanguinaire de Sékou Touré. La simple idéologie de son pouvoir est de s’éterniser sans aucune opposition. Le peuple fut trahit pour la première fois dans sa lutte.

Après 26 ans passés sous les auspices d’un régime despotique sans partage, la population se lève un 26 mars 1984, avec l’annonce de la mort de son président. La Guinée tourne une feuille sombre de son parcours. La nouvelle figure vient de l’armée. Un colonel méconnu du grand public prend la destinée. Derrière lui, ses compagnons d’armes.

Après avoir lu des déclarations aux antennes d’Etat, Lansana Conté se défigure au grand public. Il est le nouvel homme fort qui conduit le comité militaire de redressement national (CMRN). Il promet de mettre tout en ordre. Respecter la loi et la faire respecter par tous les citoyens. Organiser des élections transparentes était principalement sur sa feuille de route.

Il sollicite l’expertise de tout le monde et ordonne la libération de tous les détenus politique. Une autre ère commence à siffler et les exilés tentent désormais de rentrer au bercail. Le pays fait face au libéralisme économique et l’Etat se montre garant de la liberté et de la sécurité da ses citoyens.

Fort malheureusement, on assiste à un autre tournant des promesses brandies dès l’accession au pouvoir du prétendu homme de la situation. La doctrine du ‘’Koudeisme’’ (éternité), est par la suite instaurée et on assiste à des détournements des deniers publics, la corruption désagréable des commis de l’Etat. Les assassinats de janvier et février 2007 après ceux de 1985, laissent une tache indélébile d’un temps de règne de celui qu’on qualifiait parfois de vieil immortel.

A la suite de 24 ans passés aux commandes, le 23 décembre 2008, alors que tout le monde était chez lui, à une heure indue de la nuit, un béret rouge sort de nulle part et s’autoproclame pour la deuxième fois consécutive du périple de la Guinée, comme étant le messie. Il lu son discours devant les caméras des médias d’Etat. Il est aussi accompagné par son putsch militaire en l’occurrence, le conseil national pour le développement et la démocratie (CNDD). Une autre brèche s’ouvre devant l’histoire.

A l’image de son prédécesseur, le capitaine Moussa Dadis Camara promet de mettre la Guinée dans les rails et d’organiser des élections libres, crédibles et transparentes, sans qu’il ne soit présenté et sans qu’aucun membre de son équipe ne se présente également. Un message accueillit et applaudit par tous. Il promet dans la même perspective d’organiser les audits dans tous les secteurs étatiques pour rendre au peuple ce qui lui a été volé depuis des décennies. Il n’épargne pas non plus de toucher des dossiers camouflés comme celui du contrat du port autonome voir même revisiter les contrats miniers.
Ces annoncent furent acclamer et saluer par la jeune génération, en grande majorité.

Mais au-delà des discours de masses, il y a une autre réalité de la situation. Après quelques mois passés à la tête du pays, le capitaine change de veste et menace de présenter sa candidature pour la future élection présidentielle. Ce qui est sans conséquence. Le massacre du 28 septembre 2009, au stade du même nom (dont le dossier reste encore dans les tiroirs), stipule tout de même.

Après avoir échappé à une tentative d’assassinat le 3 décembre 2009, Moussa Dadis est hospitalisé au Maroc ou il reçoit des soins médicaux. Un autre coup d’Etat s’opère dans celui qu’a connu le peuple dès son arrivé au pouvoir. Le désormais homme fort est un général de l’armée. Sans doute la 2ème personnalité du CNDD, qui n’est pas à présenter au public.

Connu sous sa corpulence abrupte mais aussi enfermé dans sa vie privée, le L. Tigre comme on l’appelait parfois, prend la situation en main et tente de renouer la pratique d’effets d’annonces. Il s’engage à organiser les élections une fois de plus. Cette fois, c’est dans moins d’un an. Il promet dans la même optique de regagner les garnisons militaires avec ses troupes d’armes. Dans une situation à la fois tendue et quasi incontrôlée, le peuple participe au scrutin du premier tour, le 27 juin 2010.

La situation semble plus raide que jamais. Etant donner que la constitution prévoit deux semaines entre le premier et le second tour, le peuple s’impatiente pendant près de cinq mois pour repartir à nouveau vers les urnes. Le résultat est contesté par le parti de l’UFDG (venue en tête au premier tour avec près de 44% des voix), accompagné de ses partis alliés. On enregistre des violences postélectorales énormes.

A partir de ce mois de décembre 2010, la Guinée fait face à un autre destin et sort dans le tunnel d’hommes en rangers. Le président de la République est maintenant connu de tout le monde. Il s’appelle Alpha Condé, un opposant historique car il s’est battu pendant tout son temps dans les rangs de l’opposition.

Subséquemment, après 9 mois de gouvernance, le mot ‘’manifestation’’ commence à être inculqué dans les cervelles. L’opposition accuse le pouvoir de violer la constitution et les accords obtenus pendant la période de transition. Dans ses revendications, elle parle entre autre du fait que les élections législatives et locales ne soient pas organisées. Or la loi prévoit six mois après l’exécutif. La manif est réprimée par les forces de l’ordre.

Malgré tout, il a fallu 3 ans pour organiser les législatives afin d’asseoir le deuxième pouvoir du pays.
Le premier quinquennat du professeur sorbonnard est émaillé de violences et de bavures des forces de sécurité. Le bilan des victimes est lourd (des pertes matérielles, des handicapés à vie et plus de 60 morts).

A chaque fois que l’opposition veut se faire entendre, il la suffi de passer par la rue. Ce qui n’est pas sans effets déplorables. Au lieu de tourner vers les textes qui régissent la loi, le gouvernement préfère plutôt procéder à des négociations.

La justice est à nouveau à la merci des nantis. Aucun procès pour les victimes politiques, malgré toutes les promesses tenues. Les anciens régimes s’emblent récidiver pour être représentés chacun dans cet actuel, qui les accuse souvent de salissures à tord.

De l’injustice, de la gabegie financière, des détournements de deniers publics, des surfacturations des travaux de l’Etat, de la corruption à ciel ouvert… tous ces maux sont supervisés depuis le palais présidentiel qui reste amorphe et complice de l’état actuel de la patrie. On ne peut pas scier la branche sur laquelle on est assis. Les institutions restent bancales car celles qui sont mises en place ont parfois du mal à bien fonctionner.

La démagogie devient la monnaie courante des dinosaures qui sont sans foi ni loi. L’expérience pour la jeunesse est innée sur le banc voire très souvent vers l’immigration. Le mensonge reste encore la mamelle incontournable pour passer à la politique de « diviser pour régner ». Aucune conviction idéologique. Tous ce qui importe pour eux, c’est de se baver les comptes bancaires de l’étranger sans penser à demain.

L’histoire ne donne t-il pas raison à l’écrivain Tierno Monénembo, qui stipule ceci : « la Guinée est en retard par rapport à elle-même (…) le problème de la Guinée n’est pas le 2 octobre, mais le 3 octobre » ?

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