Prostitution & Covid-19 : j’ai été ébahi cette nuit…

Article : Prostitution & Covid-19 : j’ai été ébahi cette nuit…
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9 octobre 2020

Prostitution & Covid-19 : j’ai été ébahi cette nuit…

Depuis l’officialisation du virus couronné ou le coronavirus, au mois d’avril 2020 en Guinée, et surtout l’instauration du couvre-feu, les populations tirent le diable par la queue. Ce qui est d’autant plus étrange, c’est la fermeture pour la première fois de l’histoire du pays de tous les lieux publics. Les lieux de cultes ne font pas particularité. Mais ce qui est exceptionnel, c’est le fonctionnement par endroit des lieux de travail des spécialistes du sexe. Cela s’exerce à des temps et des coins un peu isolés du grand monde.

Il est alors 21 heures passées. Je suis seul dans ma voiture en provenance du boulot. Je passe dans une station d’essencerie, pour pomper du carburant. Ici, c’est au centre émetteur de Kipé, en haute banlieue de Conakry. Un milieu très fréquenté par les mélomanes de la capitale et autres. Situé à la corniche nord de la capitale, dans la commune de Ratoma. C’est également une localité où habitent des nantis, des hauts cadres de l’État… Ça fait vraiment rêver d’y vivre ou d’y passer ne serait-ce qu’une ou deux fois par semaine hein !

Juste après la station, à quelques cent mètres, je stationne en vue de passer un coup de fil à ma collège que j’ai laissé à mi-chemin, pour me rassurer qu’elle est bien rentrée. Au bout de quelques secondes, une fille désœuvrée, habillée en muni jupe et un justaucorps rouge, tenant un très petit sac à main fixé sur l’épaule gauche vient ouvrir la porte situé juste en face de moi et baisse la tête, puis me dit :

« Chéri, c’est comment ? »
Ne sachant pas réellement son objectif, je fais semblant de ne pas l’entendre. Elle continue en tentant d’ouvrir un dialogue :

– Tu ne me réponds pas, toi ?

– Pardon, j’étais au téléphone.

– Ok, je vois. T’es prêts, on va aller blaguer ? Je te veux vraiment et je suis à ta disposition.

– Waw, une créature comme toi, j’admire… !

Voulant éviter de tomber dans un piège, je me mets dans sa logique. Il me faut donc éviter à tout prix de discutailler avec elle. C’est la meilleure politique d’ailleurs de se sauver la tête. Jusque-là, elle n’a pas assis son séant dans la voiture, préfère ainsi s’arrêter contre la porte ouverte.

Toutefois, ce n’est pas pas première fois que j’échange avec une travailleuse de sexe. J’ai déjà tendu mon micro à d’autres au paravent. Même si elles n’ont pas assez de confiance.

Mais elle est prête à négocier du fric contre le sexe. Chose que je n’ai jamais faite. Et là, ma curiosité est aussi vive que j’ai envie de lui proposer une somme pour recueillir d’elle, des informations en cette période de Covid-19. Elle est méfiante et préfère l’équation : argent correspond à sexe.

De toute façon, elle semble ne pas être prête à monter au risque de retrouver une autre aventure. Et moi, je veux à tout prix m’enquérir de ce que j’ai par hasard trouvé. C’est-à-dire, la prostitution dans les rues de Conakry en pleine crise sanitaire. Surtout qu’un couvre-feu a été décrété par le président de la République qui s’étend de 22 heures à 6 heures du matin.

Une belle fille avec un teint clair renforcé de dépigmentation, qui a la forme d’un coca-cola. Kania, pour un peu déformer son nom, est une jeune célibataire qui a la trentaine d’âge. Elle habite seule au marché de Kiroty, dans le quartier Nongo, en pleine capitale. Donc pas assez distant de son lieu de travail nocturne, car elle paie moins de 10 000 GNF comme transport (aller-retour) pour s’y rendre tous les jours.

Elle fréquente ce coin juste après le crépuscule pour guetter l’occasion d’une clientèle qui se fait « très rare » actuellement.

Dans un endroit où seul le connaisseur connait, aucun esprit ne peut rêver l’existence d’un tel milieu, même pendant la journée. Et pourtant, c’est là où plusieurs jeunes filles viennent chercher nocturnement de l’argent en échange de leurs corps.

Mais cette fois, ce n’est pas accessible à cause de la Covid-19. Malgré tout, il y a un motel non loin de là, qui est situé non loin du carrefour « Métal-Guinée ».

Le réseau de prostituées vient à l’endroit habituel pour chercher un client puis s’y rendent (Métal-Guinée), pour satisfaire leur partenaire. Le coût de la chambre se négocie à seulement 30 000 franc guinéen. Quant à Kania, elle demande un minimum de 30 000 GNF comme supplément. C’est selon d’ailleurs le besoin du client.

« C’est ici que je gagne tout, sans l’assistance de quelqu’un… », M’a-t-elle laissé entendre après l’avoir dit de trouver un mari en cette période où il n’a jamais été facile de se marier.

– Pourquoi pas un petit copain pour t’assister, en ce moment difficile ?, demandais-je par la suite.

« Aucun homme ne va me gâcher la vie, alors bonne suite », poursuit-elle avec un ton ferme.
Je remets mon accélérateur au tapi pour déguerpir de sa vue. En cours de route, je me pose la question de savoir réellement comment elle rallie les deux bouts. Car du début de notre conversation à sa fin, je n’ai vu aucun homme passé auprès de nous. Autre chose aussi m’a inquiété, c’est la patrouille des forces de l’ordre qui circulent pour chopper des gens qui rentrent tardivement pendant cette crise.

Malgré le fait qu’elle ne m’a pas accordé assez de temps, je me souviens tout de même qu’un jour, une prostituée de son genre me confiais après l’avoir tendu mon petit dictaphone en ces termes : « la plus part d’entre nous a un homme en uniforme pour sa sécurité ». Putain !

Je continue ma route en cogitant derrière mon volant sur un tel fait en ce moment où même les fréquentations personnelles sont mesurées entre personnes. Et je donne raison à la célébrité de la littérature française du 20ème siècle, Albert Camus qui stipule que : « si tout est permis, cela ne veut pas dire que rien est défendu ».

Mais ce qui est de surcroit dans cette histoire, c’est après avoir parcouru une distance de plus de 300 mètres, un peu vers la haut du restaurant « Seven Leven », en partance vers le centre ‘’Mère et Enfant’’, à ma droite, j’aperçois d’autres jeunes donzelles arrêtées en bordure de route et faisant semblant de chercher une occasion pour se déplacer.

A les voir habiller et signaler, on a comme impression que la destination est tout près. Et ma première aventure me pousse à renouveler ma curiosité.

Ici encore, je ralentis avec une vitesse plus ou moins morte. Chacune veut s’approcher. Finalement une avance à pas sexy pour convoiter ma séduction. Elle prononce le mot ‘’Stop’’. J’obtempère en essayant de tuer la vitesse et descendant un peu la vitre, puis condamnant toutes les portes avec les risques.

Ce qui est marrant cette fois, c’est lorsqu’il s’agit d’une autre nationalité que celle guinéenne. Je ne pouvais également imaginer qu’elle ne puisse parler ni Soussou, ni Malinké, ni Poular… encore moins Français. Même le vrai Anglais était difficile de véhiculer. Cependant, elle préfère le créole. Elle est alors léonaise de nationalité. Elle ne veut parler autre chose que « you give money », « you fock, fock… », accompagné par des gestes.

Abasourdi, je lui demande une permission afin de bien garer. Je laisse le véhicule à quelques mètres et je reviens en personne vers le staff pour en savoir d’avantage. Sans doute, c’est le même langage qui est véhiculé. Pire, je ne trouve aucune guinéenne parmi elles.
Pas assez de paroles. Ici le moins que l’on puisse faire, c’est de donner de l’argent pour satisfaire son organe. Et le prix se négocie à 100 000 francs guinéens, y compris le prix de la chambre de passage.

Le même nom de motel (Métal-Guinée) revient. Mais pour quelqu’un qui est prêt, il peut y avoir une petite réduction avec sa partenaire. C’est purement du commerce comme au marché de madina où Il y a le premier et le second prix.

Pour la première, qui a refusé de décliner son identité, elle dit habité à Taouyah, un quartier environnant situé à l’ouest. Mais elle est d’accord d’une possibilité d’effectuer un déplacement à son domicile, lorsque l’on tombe d’accord. Cependant, elle réfute le contraire quel que soit le prix.

Je bouge pour aller voire une seconde qui loge non loin de là. Bintou dit habité derrière l’école internationale… vers chez Diallo Sadakadji (un homme assez fortuné qui est réputé pour son humanisme envers les pauvres), dans le quartier Kaporo. Elle donne la même idée que celle qui la précède. Puis facilite les choses en offrant le moins cher prix, c’est-à-dire au-dessous de 100 000 GNF.

Mais notre échange fut interrompue par une voix qui prononce le mot « Police… », qui signifie la présence d’une « patrouille » des forces de sécurité. Pendant qu’elles sont à la recherche de la clientèle, elles restent aussi vigilantes. Quelle attention !
Sans tarder, Bintou regagne les autres qui continuent toutes en courant vers une cours fermée en attendant que la voie soit libre. Ainsi va leur vie de ce côté-là.

Je démarre mon moteur et je continue mon chemin car il fait maintenant nuit. Sur la route, plusieurs questions me hantent la cervelle. Sans d’abord parler de la pratique du métier en cette période, mais la possibilité d’une telle présence d’étrangers (ès), qui quittent leurs pays pour venir faire ce que bon leurs semblent en Guinée ?

Pourtant aucun texte de la CEDEAO (communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest), n’a été promulgué en ce sens dans son espace, malgré le fait qu’on insiste sur la liberté de circuler des personnes et des biens. Même en Guinée, aucune loi n’autorise la prostitution.
Une complicité avec certaines autorités ? Affaire à suivre…

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