Dans la peau d’un migrant (Suite)

Article : Dans la peau d’un migrant (Suite)
Crédit: Iwaria
23 juin 2021

Dans la peau d’un migrant (Suite)

Lors de mon précédent billet sur la migration irrégulière, j’ai relaté la condition de départ et les raisons qui ont poussées le jeune Aliou, âgé de la vingtaine, à partir de son pays. Je me suis mis dans sa peau, pour peindre une histoire réelle. La souffrance est une leçon de vie, la pauvreté est sauvage mais l’isolement est le pire ennemi de l’être humain. Car il peut même pousser au suicide.

En ayant personne derrière pour se soucier de mon mode de vie – ni de femme, ni d’enfant, et Dieu m’a arraché ma mère – je n’ai plus rien à attendre. Mes problèmes sont alors personnels.

Alors, dans un périple où on ne peut rencontrer que des jeunes (hommes et femmes) déboussolés et qui rêvent d’un lendemain meilleur, nous continuons notre tangente pour l’Europe.

Mais entendre et voir font deux. Ici, on ne nous explique rien. On vit et personne ne cherche plus à nous convaincre. Cependant je me mets l’idée en tête que le chemin va sans doute être long.
Déjà, après le montant que mon ami Soul et moi avions remis à notre passeur depuis Conakry (3 000 euros), on a près de 2 000 euros comme argent de poche. Ce second montant est réservé pour nos petits besoins. On est resté pendant une semaine sur le territoire malien.

C’est assez difficile à supporter. Ce qui fait le plus mal, c’est lorsque le passeur nous avait promis qu’une fois ici, on allait sans tarder passer en Algérie. Et que c’est à partir de là-bas, que nous allons appeler nos parents pour qu’ils nous assistent afin de retrouver notre destination. Mais c’était un mensonge pour arriver à sa fin.

Chacun a finalement eu besoin de se serrer la ceinture. Désormais, c’est l’équation du « chacun pour soi, Dieu pour tous ». Nous avons ainsi été embarqués, avec 70 personnes, dans un camion pour l’Algérie voisine.

Sachant bien que je n’avais plus d’espoir de retourner au point de départ, parce que n’ayant pas quelqu’un à qui demander de l’argent, je me suis mis en tête que le mieux était de continuer droit dans mes bottes, malgré les péripéties.

Après cinq jours de parcours en plein désert, nous sommes arrivés à Talanta, et c’est à partir d’ici que nous avons été scindés en des petits groupes de 10 dans des pick-up. Et c’est ici que j’ai été séparé de mon copain.

Que se passera-t-il ? Difficile à deviner mais l’on tient encore. Surtout que je suis ami à la souffrance.

Mais pour mon pote, je ne sais plus si je pourrais le revoir. C qui me taraude souvent l’esprit, c’est la question de savoir s’il pourra supporter la situation et survivre. Vu qu’il n’avait jamais vécu une vie misérable ?
C’est ainsi que chacun est allé dans un foyer (milieux d’accueils des réseaux des passeurs). Et je suis arrivé à l’étape de Tiniyawill.

Des gens qui n’ont aucun état d’âme

Tôt le matin, on vient nous réveiller avec de l’eau sous prétexte de faire des ablutions. Pire, c’est parfois nos frères noirs voire même des guinéens qui connaissent mieux la langue et les réalités du terroir qui le font. Ces badauds font semblant de nous aider alors qu’ils sont là à nous maltraiter.

Ils commencent à nous rançonner en usant de la pression. Je suis resté une semaine sans savoir qui contacter mais j’ai fini par prendre le risque d’appeler une vieille connaissance de ma mère. Elle m’a enfin aidé à avoir le montant de 3 000 000 GNF, environ 300 euros que j’ai été contraint de payer pour me faire libérer de prison.

Ces réseaux emprisonnent les migrants venus des quatre coins de l’Afrique. Ils leur font subir toutes formes de tortures pour leur mettre la pression. L’objectif : que les migrants acceptent de se soumettre, pour qu’eux, les imbéciles, puissent se faire du fric.

Selon les passeurs, ils nous avaient achetés. Alors nous devions nous racheter aussi. Un soir, on a été embarqués pour Tamaraset (Algérie).Ils nous ont laissé dans un espace dénudé, une étendue de sable. Malgré leur mensonge éhonté qui justifiait de nous laisser à 5 km du point d’arrivée, ils nous ont plutôt laissé à 45 km pour marcher.

Ainsi, après un long parcours, il nous a fallu pour arriver, emprunter des taxis maffias (clandestins), qui contournent à travers des montagnes pour éviter les barrages des forces de sécurité.
À suivre…

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