« Peut-être que l’Europe n’a pas besoin de moi »

Article : « Peut-être que l’Europe n’a pas besoin de moi »
Crédit: Pixabay
12 juillet 2021

« Peut-être que l’Europe n’a pas besoin de moi »

La question migratoire remonte à bien longtemps. Après avoir décroché son diplôme de licence, en 2015, El hadj Mohamed Diallo s’est lancé dans l’immigration irrégulière. Ce, dans le but de rejoindre l’Europe, via la méditerranée.

Monsieur Diallo a bien voulu m’accorder son temps pour partager son expérience déjà vécu pendant sa tentative de migrer vers l’Occident. Il est le président de l’Organisation guinéenne pour la lutte contre la migration irrégulière (OGLMI), et volontaire du projet migrants As messengers. Assis dans la bibliothèque, bien équipée de leur siège « Yaguine et Fodé », dans le quartier Bellevue marché ; El hadj Mohamed aborde un sujet que beaucoup de migrants de retours mystifient encore. Dans sa chemise bleue, avec un visage un peu fermé, il y a des migrants et des potentiels migrants qui sont assis de part et d’autre, en train de lire.

Dans un premier temps, qu’est-ce qui vous a motivé de rentrer au pays ?

C’est parce qu’il y avait des potentiels migrants, qui avaient l’illusion de leurs amis en Occident. Ils leurs donnaient de fausses images. Cela les poussait donc à l’envie de partir. On a aussi constaté que dans ce pays, il y a une potentielle réussite. Qu’on peut rester là et réaliser.

Quel est le motif de la création et le véritable rôle de l’association ?

Il y avait les jeunes migrants qui revenaient et qui tentaient de repartir parce qu’il y avait de la stigmatisation au sein des communautés, et ils avaient du mal à s’intégrer dans la société. Alors, on a eu l’idée de les accueillir, les orienter, essayer d’élaborer des projets pour ces migrants de retour. D’ailleurs, on a eu à aider des jeunes à Conakry, Mamou, Kindia, Farana et Labé. En attendant Siguiri, Kankan, N’zérékoré et Boké.

Quels sont vos projets en cours ?

Nous avons un projet, qu’on a nommé migration et Covid-19. On mène une campagne de sensibilisation de « focus groupe ». C’est une méthode qui consiste à échanger avec les jeunes, les parents, et sous forme de plaidoiries au niveau des institutions de l’Etat. Parce qu’on a constaté que même si ces institutions veulent accompagner ces jeunes, ils ne sont pas informés de l’existence de ces projets. Certains parents aussi poussent ces jeunes à partir, parce qu’ils ne savent pas les dangers liés à cette migration. Aussi il y a beaucoup de parents, quand l’enfant vient auprès d’eux pour demander de l’aide, qui refusent. Et s’il s’agit de voyage de ce genre, ils acceptent. C’est tout ce qui nous pousse à rencontrer toutes ces histoires.

Qu’est ce qui vous a le plus marqué dans la migration ?

Une fois où j’ai été agressé par des sans-domicile. Après avoir été voir la police, on m’a posé la question : « pourquoi tu es venu les trouver chez eux ? ».

Regrettez-vous aujourd’hui d’avoir essayé d’émigrer ?

Oui, parce que j’ai perdu assez de temps d’une part. Et non, d’autre part : il faut reconnaitre que j’ai acquis assez d’expériences. Les deux El hadj, celui du passé et celui d’aujourd’hui sont totalement différents. Ensuite je suis revenu avec un métier comme l’électricité et le carrelage.

Qu’est-ce qui vous a motivé à revenir ?

C’est du fait qu’après cette expérience vécue, je me suis dit que j’avais un grand rôle à jouer au pays. Comme démasquer les fausses informations à travers lesquelles la diaspora est en train de donner de l’illusion. A savoir : les gens qui sont dans des ghettos, d’autres qui passent la nuit sous des ponts, c’est pour moi un droit maintenant, de faire découvrir cette réalité.

Combien avez-vous fait de tentatives ?

Six fois en Lybie, et au Maroc une fois. J’ai pu accéder aux barrières. J’ai fait Nador, Layou. La seule fois où j’ai tenté au Maroc, j’ai pu arriver jusqu’en l’Espagne, mais j’ai été rapatrié. Après avoir tenté quatre fois en deux ans, je me suis dit que peut-être que l’Europe n’avait pas besoin de moi. C’est mon pays, qui a besoin de moi. Je me suis dit de revenir : l’idée de l’association a été émise depuis la prison, en Lybie.

Avez-vous connus des emprisonnements ?

J’ai été emprisonné trois fois et agressé une fois au Maroc, une fois en Algérie. J’ai fait la forêt du Maroc, je suis allé jusqu’à Ceuta en Espagne, on m’a rapatrié jusqu’à Fès. Je suis revenu en Algérie, où j’ai travaillé pendant huit mois. Je suis parti en Lybie où j’ai fait huit mois, dont deux prisons différentes.

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