Pleurer un mort sans voir le corps

Article : Pleurer un mort sans voir le corps
Crédit: Iwaria
7 août 2021

Pleurer un mort sans voir le corps

Dans la vie, on peut voir et surtout admettre le diktat de la circonstance. Car il est de nos jours quasiment impossible de faire un décompte du nombre de cadavres de jeunes hommes perdus dans la Méditerranée. A tout moment, ce sont des images insoutenables qu’on observe.

Cette étendue d’eau salée est pratiquement devenu le bourreau des familles de ces jeunes qui y périssent. Surtout, lorsque cette mer nous réserve des morts qu’elle ne nous restituera jamais de la vie.

Je n’oublierai jamais cette journée fatidique dans mon quartier. Lorsque tous les visages sont les mêmes. Où chacun a la tête basse. C’est difficile à croire mais cela est une évidence.

Pour certains, c’est plutôt un ami, un jeune calme et respectueux. Mais pour moi, ce n’est autre qu’un cousin. Il devient orphelin de mère alors qu’il est en bas-âge. Malgré tout, son courage et ses rêves ambitieux le poussent à embrasser un autre sentier fatal.

Et le village planétaire (réseaux sociaux) a déjà répandu la rumeur. Et les téléphones aussi crépitent ça et là, pour confirmer l’information sans se fier uniquement à internet. Même dans le secteur, les voisins hésitent à se précipiter. Tout le monde veut avoir la vraie version. À moins d’une heure, l’enceinte familiale est déjà ébahie de personnes venues présenter leurs condoléances.

Mais pour mon cas, je ne suis toujours pas au même diapason que les autres. Il est alors 20 heures passées, je reçois un coup de fil. C’est ma man qui m’informe avec un ton émouvant. Cependant, je ne suis toujours pas rentré à la maison.

Je suis installé dans un resto, en train de déguster ma pizza, à Cosa, en haute banlieue de Conakry. Les jours passent mais ne se ressemblent guère.

Heureusement que je suis avec un pote qui, après mon départ inhabituel a su garder mon second téléphone et les objectifs déjà déposés sur la table, pour me les rendre plus tard. Car à l’autre bout du fil, j’ai entendu des cris de femmes indignées, accompagnés de pleurs.

Chaque voix se lamentait « Oh, mon Dieu! « ,  » Qu’est-ce qu’il a fait pour mériter tout ça… ». C’est vraiment compliqué de comprendre d’autant plus que c’est l’émotion qui règne en chef de foyer.

Une nuit inoubliable. J’essaie surtout de joindre ma grand-soeur pour avoir quelques détails mais sans succès. Dans la famille, elle était la personne la plus proche de Cheick. Ils échangeaient sur pas mal de sujets.

Et c’est à elle que le jeune se confiait le plus dans la famille. Sauf que cette fois, ça a été une surprise. D’aucuns étaient au courant de son voyage mais l’on gardé tout seuls. Un voyage qui ne connaîtra plus son retour.

Aucun cadavre n’a ainsi été présenté à la famille pour organiser des obsèques, selon les coutumes de la religion musulmane. C’est difficile à avaler mais on a pas le choix. Il faut peut-être organiser des sacrifices pour lui à la suite. Mais ce qui est le plus important, c’est de voire le corps de son mort, quelle que soit la circonstance.

Malgré tout, entendre des témoignages de tout langage pousse le plus souvent à des frustrations et du stress et à voire négativement les choses dans la vie. Surtout lorsqu’on se met à conjuguer dans le passé, pendant qu’on a un pied dans le présent et qu’on doit tendre le second dans le futur. Hélas!

Je me souviens encore de cette journée de vendredi. Dans une mosquée pleine de fidèles, l’imam fait son prêche. Il aborde le sujet de « bon comportement envers son voisin ». Je garde l’écoute mais je suis loin d’être convaincu. Pour moi, la ligue islamique aurait dû aller plus loin lors de la préparation de ses sermons.

En lieu et place de continuer à tout moment de répéter les mêmes choses, cette entité devrait se bouger un peu dans la réalité. Essayer surtout d’aborder un thème qui ruine la société.

Notamment, ce pourquoi quoi le gens venus d’horizons différents sont réunis pour assister au dernier hommage de Cheick «la migration». Ceci pourrait interpeller ceux qui ont aussi des projets de migrer à tout prix.

Cependant, au bout de quelque minutes, le premier responsable de l’autel procède aux incantations et invite les fidèles à la prière. Juste après, il invite aux gens de bien vouloir à présent honorer un mort. Mais lequel?

Dieu seul, connait la suite. Après tout, le cimetière garde ses portes closes. Et personne de la famille éplorée n’ira après pour se recueillir devant une tombe. Bon sang !

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