A nous les larmes, mais à toi le malheur

Article : A nous les larmes, mais à toi le malheur
Crédit: radio-canada.ca
9 août 2021

A nous les larmes, mais à toi le malheur

Ceci est l’histoire d’une jeune fille qui a préféré prendre la voie de la migration irrégulière. Récemment, lors d’un séjour à Mamou, en République de Guinée, j’ai été informé par un jeune, sceptique, du départ de sa soeur. Malgré les mises en garde de ses proches et autres, la jeune fille, âgée de la vingtaine a fait le sourd-oreille en suivant son instinct.

N’ayant jamais eu la chance de sortir de son pays d’origine, la Guinée, la jeune fille se lance, pleine d’illusions. Elle emprunte un itinéraire complètement méconnu. Je vais la nommer Hadja, pour garder l’anonymat entre ces lignes de blog. Je voudrais que certains(es) jeunes ne s’aventurent pas dans une telle histoire, pleine de risques.

Avant de sortir de chez elle, les frères et les sœurs d’Hadja ont cherché à la convaincre de rester, et surtout, de continuer à son rythme la quête de l’argent.

Je dois préciser que la jeune fille fut orpheline de mère en bas âge. Elle a été adoptée par sa nouvelle famille par une de ses grandes-soeurs. Dans le foyer, Hadja a connu une enfance particulièrement difficile. Loin de l’amour maternel, elle a observé les autres enfants de son âge fréquenter l’école, tandis qu’elle en était privée. Elle a été victime de toute sorte d’exploitations.

Mais un jour, la fille mal-aimée décide de prendre son destin en main. Elle sort sans demander la permission, et sans en parler à quelqu’un d’autre. Elle décide alors de rentrer dans son village natal. Pour cela, Hadja choisit d’entreprendre dans le petit commerce. La jeune fille se lance dans la fabrication de jus de gingembre et de bissap. Elle s’installe au centre urbain de Mamou, l’une des préfectures du pays. Elle profite souvent des marchés hebdomadaires des villages les plus proches pour aller tenter sa chance. Elle se débrouille très bien et, petit à petit, la jeune Hadja commence à retrouver son chemin. Elle devient financièrement autonome et n’a pas besoin de quémander dans la rue pour se trouver des habits ou s’acheter des chaussures.

Bien que certaines de ses amies, soutenues financièrement par leurs parents, ne prêtent pas attention à ce qu’elle fait, d’autres n’hésitent pas à qualifier son activité de sot métier… Mais Hadja garde quand-même bonne mine. Elle arrive même à assister financièrement ses grands frères !

Mais ses ambitions l’ont finalement poussé à suivre un destin risqué et inconnu. On se demande parfois qui lui a mis ces idées en tête et quelle est la personne qui l’a convaincue de s’aventurer à ce point.

C’est certes assez difficile de répondre à sa place, mais selon ce que certaines de ses copines m’ont rapporté, c’est que « son ambition a dépassé même ses rêves ». Et la jeune fille a observé une distance avec la plupart de ses amies, prétextant que celles-ci ne l’avaient pas approchées à un moment donné, alors qu’elle aurait eu besoin d’aide…

C’est parfois complexe à comprendre, mais sa meilleure amie Kadiza raconte : « elle me disait que la meilleure solution pour elle était d’aller en Occident pour se faire beaucoup de pèze. Cela lui permettrait de venir en aide aux membres de sa famille. Le respect suivrait par la suite, grâce à l’aide qu’elle apporterait aux siens ».

Et d’ajouter : « Avant de partir, elle m’a montré une somme d’argent qu’elle avait. Elle m’a fait savoir que c’était 15 millions de francs guinéens, soit environ 1500 dollars US. Et je sais que ce montant provient sans aucun doute de la sueur de son front. Je me souviens aussi qu’elle s’est un jour confiée à moi. Avec l’idée de vouloir s’acheter une parcelle ici, à Mamou centre. Parce qu’elle gagnait de l’argent dans son commerce. Mais je ne comprends plus sa volonté de vouloir sauter les étapes, malgré tous nos conseils » déplore Kadiza, dans un ton émouvant.

Ces témoignages me laissent abasourdi totale pour deux raisons :

D’abord, il faut admettre que de la manière dont Hadja a procédé pour accumuler petit à petit une très grosse somme d’argent, en ne visant pas forcément Conakry, la capitale, a bien fonctionné. Elle avait très bien réussi déjà ! Partir de 0 pour se retrouver à 15 millions à son propre compte, demande de la stratégie et de la bravoure. Dans la même optique de gagner plus d’argent, elle aurait très bien pu entreprendre un business rentable et aisé en se rendant à la capitale plutôt que de s’aventurer plus loin.

Mais, ce qui est certain, c’est qu’elle préférer prendre un chemin inconnu, nettement plus risqué. Je me souviens encore des multiples témoignages de migrants rentrés des larges de la mer. Ils racontaient les difficultés rencontrées et les violences subies. Ils racontaient des cas de viols, sur des jeunes filles isolées, fragilisées par ce périple dangereux, impuissantes face aux réseaux de gangs, avec des hommes sans foi ni loi.

Malgré ces récits tragiques, le voyage vers la méditerranée reste le bourreau de jeunes africains qui croient à leur rêve et qui s’illusionnent sur la dure réalité. Mais à chacun son choix, à chacun sa vie. Comme dit le dicton : « si jeunesse savait et que vieillesse pouvait ».

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