Dans la peau d’un migrant (partie 1)

Article : Dans la peau d’un migrant (partie 1)
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20 juin 2021

Dans la peau d’un migrant (partie 1)

Il n’est pas facile de vivre prématurément l’orphelinat. Surtout celui de mère. Dans une famille polygame où tu as vécu en prince une partie de ton enfance, ta chère mère te quitte trop tôt. Tu es son unique fils dans le foyer. Il y a parfois de la jalousie de tes compères, celle de tes marâtres. Bref, tu deviens le bouc émissaire par endroit.

Cette histoire que je raconte entre ces lignes de blog est la réalité d’un jeune. Je me mets dans sa peau pour partager le vivre social. Loin de l’amour maternel, le jeune Aliou prend pour option le chemin de la migration irrégulière, pour rester loin du stress auquel il fait face, et surtout trouver une vie aisée. Un jeune homme plein de rêves mais rebellé par le comportement néfaste de sa famille envers sa personne.

Je ne pouvais pas imaginer qu’après la disparition de la personne la plus chère au monde, qu’aucune autre personne ne pouvait jouer son rôle. Unique fils, j’ai connu avec elle, une vie très souple. A mon enfance, je me voyais le plus heureux et le plus chouchou de ma génération.

A chaque fois que je revenais d’une vadrouille, maman me donnait quelque chose à déguster. Quelle bonheur de devenir enfant ! Pour moi, tout est paisible à avoir.

Le début de l’enfer

Je me rappelle un jour, après que je me sois battu avec le frère d’un ami, chacun attendait qu’on me corrige à cause du droit d’ainesse. Mais, maman bien aimée m’a fait asseoir pour me donner une leçon de morale. C’était unique à mon genre. Tous mes amis m’enviaient.
Mes habillements, la nourriture dans ma bouche, mes jeux etc. étaient tous exceptionnels dans le quartier et l’unicité faisait le plus ma valeur.

Malgré tout, Dieu a décidé autrement. Il m’a donc privé de ma raison d’être. Je me souviens encore de cette phrase que papa m’annonça un jour : « Tu ne reverras plus ta mère car elle est partie dans un voyage dont elle ne pourra jamais revenir pour te parler ». Ces mots étaient pour moi comme une sorte de philosophie.

Mais un jour, j’ai sans doute compris que je ne revivrai plus cet amour démesuré d’une mère face à son fils, surtout unique. Désormais, mon petit déjeuner n’est plus comme à l’accoutumé. Le sucre, le café sans lait, le morceau de pain sont mesurés pour moi.

Pendant les heures de déjeuner, quand on finit de manger avec mes demi-frères autour du même bol, il me faut attendre la nuit. Le monde devient à l’envers.

Si je ne suis pas à la maison, le mieux est de retourner chercher à manger où j’étais. Sinon j’attends pour le lendemain. Personne n’a de la compassion pour moi. Pire, papa ne contrôle rien dans le foyer.

Mes habits ne sont plus repassés. Mes marâtres me donnent des paires de chaussures usées de leurs enfants. Je m’habille toujours en haillons pour me rendre à l’école. Tous ceux qui ont connu mon enfance ne reconnaissent plus mon adolescence.

Voilà maintenant que je suis rentré à la fac. Devenu étudiant en Licence dans une université privée de Conakry, j’ai réellement compris que je suis devenu ce persona non grata dans l’enceinte familiale.

Je peux parfois rester toute une journée sans avoir à manger. Pourtant, il y en a.

Et pour des raisons économiques, je fréquente rarement l’université. La nourriture devient rarissime pour moi. Il m’a alors fallu emprunter un autre chemin pour aller à la recherche du bien-être pour reconstruire ma vie tout seul.

Le départ

J’ai décidé de faire chemin avec un de mes meilleurs potes. Quelqu’un avec qui j’ai toujours partagé ma vie confidentielle. Bien qu’étant en réalité son ainé, je me vois être son meilleur complice pour plusieurs raisons. On passe la nuit chez lui, on échange ses habilles et pas mal d’articles. Même ses repas

Finalement, on a bougé après avoir chipé de l’argent de son père qu’on a remis à un gars qui s’est déclaré être passeur. Et pour un début, il nous a embarqué pour le Mali voisin. Arrivés à Bamako la capitale, on est resté en contact avec lui pendant quatre jours.

Puis nous avons continué notre sentier pour Gao, toujours dans le territoire malien. Et à partir de là, son numéro (passeur) a arrêté de passer.

On a perdu son contact et on ne pouvait pas non plus contacter quelqu’un d’autre. Et notre économie devenait de plus en plus maigre.
A suivre…

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