Dans la peau d’un migrant (suite et fin)

Article : Dans la peau d’un migrant (suite et fin)
Crédit: AMISOM / Iwaria
1 juillet 2021

Dans la peau d’un migrant (suite et fin)

Entre les lignes de mes deux précédents billets de blog, j’ai eu à aborder le début du sentier du jeune Aliou et de son pote d’enfance. Désormais loin de son pays d’origine et de son ami qui a bien voulu tout partager avec lui, l’orphelin décide de continuer son périple afin d’arriver à sa destination. Une histoire loin de la fiction que j’ai décidé de raconter.

L’opulence commence par la vie en communauté. Lorsque l’on est entouré par sa société, on apprend beaucoup. Mais qui ne se bouge pas, reste dans l’ornière de son ignorance. Ne dit-on pas que « l’enfant qui a voyagé est plus âgé que son père » ?

Alors, les raquettes continuent. On nous réclame aussi un montant de 1 500 000 GNF, environ 1 500 €, juste après 2 jours du 1er montant.

Et vu que je n’ai plus mon ami pour me couvrir, et que je n’ai pas d’autres alternatives, j’ai pris le risque de trouver une issue pour me sauver la tête (fuir).

Une véritable vie de combattant pendant trois semaines : je suis resté à m’endormir derrière un conteneur. Mais j’ai finalement trouvé un petit job dans un resto. J’y mangeais et dormais après avoir terminé le travail dans la nuit.

Mais un jour en pleine nuit, mon employeur a voulu abuser de moi pendant que je dormais. C’était un gay. J’ai pu malgré tout m’en sortir. Et la même nuit, il m’a chassé de son restaurant, après deux semaines de travail intense sans me payer. Or, on avait convenu qu’il allait me donner 11 000 dinars le mois. Ensuite, je suis après quelques jours parti décrocher un autre boulot dans une boulangerie.

Malheureusement après une petite dispute avec mon boss, il m’a dit carrément qu’il ne me payait pas. Vu que j’ai eu à accumuler un peu d’argent, parce qu’il faut le reconnaitre, quand on est ébahi par des clients, je profitais pour me faire un peu de sou pour éviter de tomber dans le premier scénario.

Finalement j’ai décidé d’aller à Alger, dans la capitale. Mais la température était arrivée au niveau où on pouvait même voire du sang sortir des narines des gens en pleine journée. Et pour y arriver, il faut passer près de 10 régions. Et l’Algérie est l’un des pays les plus vastes du continent africain.

Comme l’objectif principal était pour moi de partir en Europe, j’ai fait Emiguel, Arak, Thialla, Gardaya, Adrar… avant de fouler pied dans la capitale. Et ici, je suis resté pendant 3 mois sans rien faire. Car même si je partais dans les chantiers, on me disait que je n’avais pas la taille. Ce sont donc des travaux forcés.

J’ai eu cette fois le courage de contacter un ami en Europe qui m’a déposé 7 000 000 GNF comme prêt. Et la convention était qu’une fois arrivé à destination, j’allais m’efforcer de lui rendre son argent sans prendre assez de temps. C’est ainsi que je suis parti pour la frontière entre l’Algérie et la Libye.

Pendant 3 jours, on est restés emballés dans des véhicules de fortunes avec les yeux bandés, pendant tout le parcours. Et ce que je retiens au cours du trajet, c’est le changement perpétuel de voitures. Je pouvais en compter au moins sept, et seulement la nuit. Arrivé au bord de la mer, je suis resté pendant 6 mois sans boire de l’eau potable. Ici on prépare pour nous-même, on construit des baraques où habiter.

Un jour, nous avons même été attaqués par des services de sécurités qui nous ont fait travailler dans un champ pendant 3 mois. On était surveillés comme étant des esclaves. La nuit tombante, on rentre en prison. Mais par la grâce de Dieu, nous nous sommes finalement échappés pour revenir dans notre coin.

Cependant, j’ai eu à faire deux tentatives pour la traversé. Et pour la première fois, on nous a dit qu’il y avait des patrouilles, des gardes de cotes dans l’eau. Ensuite pour la deuxième fois, on a été attrapé par la police libyenne qui nous a enfermés pendant deux semaines. Deux jours après avoir été libéré dû à une rançon de 5 000 000 GNF, j’ai de nouveau été arrêté et emprisonné par les mêmes services, pendant 1 mois et 3 semaines.

C’est difficile à croire, mais c’est une réalité

Les viols sur des femmes s’opéraient çà et là. En plein désert ou dans les prisons, les passeurs ou gardes libyens profitaient sur elles comme bon leur semble. Dans certaines prisons, on peut voir trois gardes abuser d’une fille, ou quatre sur deux filles. A tout moment, on entendait des cris de femmes.

Un jour, j’ai été témoin oculaire d’une scène pathétique. C’est assez difficile à avaler mais l’on n’avait pas la possibilité d’agir. Une femme a accouché à même le sol, sans que personne ne se présente comme étant le père biologique du nouveau-né. La maman n’a pas pu supporter les séquelles et a finalement rendu l’âme.

Malheureusement le bébé est resté 3 jours sans être alité, et mort s’en est suivi aussi. Ça s’est passé devant moi, hélas ! La migration dans tous les sens, a des avantages mais aussi des inconvénients. Mais celle irrégulière reste le pire ennemie de l’être humain.

Étiquettes
Partagez

Commentaires